La lithosphère est située sous l’atmosphère ou sous l’hydrosphère (l’océan, les glaciers). L’étymologie du mot (du grec lithos, pierre) donne une première définition: il s’agit de l’enveloppe la plus rigide du globe, celle sur laquelle nous marchons et nous bâtissons. Par exemple, la lithosphère est capable de supporter la surcharge de volcans, de deltas fluviatiles, de calottes glaciaires, etc., sans beaucoup se déformer: en ce cas, elle fléchit seulement, et tend à reprendre sa forme si la charge disparaît. On dit que sa viscosité est forte. Au contraire, le milieu sur lequel elle repose se déforme lentement par fluage sous l’effet d’efforts faibles mais prolongés: c’est l’asthénosphère (du grec asthenès, sans force). Mais attention: sauf en quelques rares endroits, l’asthénosphère reste à l’état solide. Il ne s’agit pas, comme on l’a cru longtemps, d’un magma liquide fait de roches fondues.
Toutefois, sa viscosité est plus faible que celle de la lithosphère, en raison des pressions et des températures élevées qui règnent en profondeur, de sorte que sa déformation plastique irréversible est aussi plus facile.
À première vue, les concepts de lithosphère et d’asthénosphère paraissent donc assez simples. Pourtant, le mot «lithosphère» peut revêtir plusieurs significations selon les phénomènes et l’échelle de temps que l’on considère. Dans tous les cas, il s’agit bien du même matériau, des mêmes roches, mais trois grands types de lithosphère peuvent être définis selon que l’on considère (1) les réactions aux forces qui lui sont appliquées, (2) sa façon de transmettre les ondes acoustiques, ou bien (3) la
répartition des températures suivant la profondeur.
1-La lithosphère élastique:
C’est l’enveloppe superficielle du globe qui peut subir une déformation
réversible. La figure 1.1 en montre un exemple: le poids d’un volcan (A)
provoque un affaissement local (B), compensé par un bombement (C) à
cent ou deux cents kilomètres du point d’application de la surcharge. Si la
charge du volcan était supprimée, la lithosphère reprendrait à peu près sa
forme initiale. L’épaisseur de cette lithosphère élastique peut être calculée
d’après la longueur d’onde et l’amplitude de la déformation observée en
surface. Elle dépend de l’âge et de la nature (océanique ou continentale)
de la lithosphère. Dans tous les cas, l’épaisseur de la lithosphère élastique
diminue sous l’effet d’un réchauffement, et inversement augmente avec
l’âge et le refroidissement qui en résulte. On admet en effet que la base de
la lithosphère élastique se situe entre les isothermes 400 et 600 ˚C. Dans
les océans, cette isotherme est tout près du fond marin à l’axe des dorsales,
là où la lithosphère est en voie de formation ; elle s’abaisse
ensuite à mesure que cette lithosphère vieillit, et se stabilise vers 40 km de
profondeur après 100 millions d’années. Sous les continents, l’épaisseur de
la lithosphère élastique est en moyenne de 60 km, mais peut augmenter
jusqu’à 150 km sous les plus vieux «cratons».
2-La lithosphère sismique:
Une autre façon de délimiter la lithosphère et l’asthénosphère est de faire
appel aux données de la sismologie: vers 100 km de profondeur (souvent
moins sous les océans), la vitesse de propagation des ondes sismiques (les
ébranlements provoqués par les tremblements de terre) diminue d’environ
10% (fig. 1.2 B). C’est la «zone à moindre vitesse» (low velocity zone –
LVZ – en anglais), qui est l’indice d’un changement dans les propriétés
physiques du milieu à ce niveau.
Rappelons que les ondes sismiques sont de deux sortes: les ondes
longitudinales P font faire aux particules d’une roche un aller/retour dans
le sens de propagation de l’ébranlement (compression-dilatation). Ce
sont celles qui sont le plus utilisées pour caractériser les terrains, parce
qu’elles se transmettent aussi bien dans les milieux liquides que dans les
milieux solides. Les ondes transversales S, près de deux fois moins rapides
(fig. 1.2 B) sont perpendiculaires à la direction de propagation de
l’ébranlement et ne se transmettent pas dans les milieux liquides (sauf
indication contraire, les vitesses citées dans ce livre sont toujours celles
des ondes P). Mais qu’elles soient transversales ou longitudinales, ces
ondes se propagent dans la lithosphère et plus profondément à l’intérieur
de la Terre d’une façon qui dépend des propriétés physiques des milieux
qu’elles rencontrent successivement. Leur vitesse de propagation notamment
s’accroît avec la densité des terrains, et, à densité égale, diminue au
contraire si la rigidité (la viscosité) de ces terrains diminue; de sorte
qu’elles sont réfléchies ou réfractées par les discontinuités géologiques où
des terrains de densité ou de viscosité différentes sont en contact.
L’analyse des temps de propagation des ondes sismiques renseigne ainsi
sur la structure interne du globe. Tels sont les fondements de la sismologie,
la science des tremblements de terre, à la fois irremplaçable instrument
de connaissance de la planète, et outil précieux de maîtrise du
risque naturel.
Si l’on revient à la lithosphère et à l’asthénosphère, on comprend
comment la sismologie peut aider à les distinguer: la diminution de la
vitesse des ondes observée à une centaine de kilomètres sous la surface de
la lithosphère n’est probablement pas due à un changement dans la nature
des terrains en profondeur (§ 1.4), mais plutôt à l’accroissement de température
et de pression et à la diminution de densité et de viscosité qui en
découle. La base de la «lithosphère sismique» est ainsi définie par la zone
à moindre vitesse sismique, qui appartient quant à elle à l’asthénosphère.
3-La lithosphère thermique:
Dans l’asthénosphère, nous avons dit que la résistance des terrains aux
contraintes est faible; elle est insuffisante en tous cas pour empêcher un
objet géologique de migrer vers la surface ou au contraire de «couler» vers
le bas, selon que sa densité est inférieure ou supérieure à celle du milieu
ambiant. En ce cas, c’est une force de gravité qui provoque le mouvement
(la poussée d’Archimède), grâce à la différence de densité entre l’objet
immergé et l’asthénosphère. De la même façon, des mouvements peuvent
naître entre les portions d’asthénosphère «froide», relativement dense, et
d’autres portions plus chaudes et moins denses. Ainsi naît la convection qui
tend, par un lent brassage, à homogénéiser la température dans l’asthénosphère.
On estime à 1 300 °C la température minimum permettant l’initiation
des courants de convection asthénosphériques (fig. 1.3), et à quelques
centimètres ou quelques dizaines de centimètres par an la vitesse de ces
courants. Le toit de l’asthénosphère coïncide donc avec l’isotherme
1 300 °C, que l’on place en moyenne vers 120 km de profondeur.
Dans la lithosphère au contraire, où la viscosité est élevée, les différences
de densité dues aux gradients de température engendrent des
forces de gravité trop faibles pour provoquer la mobilité de ces terrains.
Cela tient essentiellement à l’augmentation de la résistance des roches
aux contraintes quand on se rapproche de la surface de la Terre et que
diminuent la pression et la température. La convection n’est alors pas
possible, et la chaleur se transmet par conduction depuis la base (1 300 °C)
jusqu’à la surface (0 °C). Le transfert d’énergie est en ce cas très lent. Il
dépend de la conductivité thermique des roches, et s’exprime par l’apparition
d’un gradient géothermique (une diminution progressive de la
température de bas en haut; fig. 1.3). En surface, le flux thermique correspond
à de l’énergie perdue par la Terre et libérée dans l’atmosphère (ce
flux toutefois provient pour une part de la chaleur transmise depuis
l’asthénosphère, et pour une autre part de la chaleur dégagée par la
radioactivité naturelle des roches de la lithosphère).
Mais il faut le redire avec insistance: l’asthénosphère, contrairement à
une idée très répandue, n’est généralement pas un milieu liquide. Certes,
si une fusion partielle se produit, alors les terrains affectés appartiendront
à l’asthénosphère. C’est ce qui se passe, par exemple, sous les dorsales
océaniques, entre deux plaques divergentes . Mais la plus
grande partie de l’asthénosphère est à l’état solide. Sa faible résistance aux
contraintes et les courants de convection qui l’animent résultent le plus
souvent de la température et de la pression élevées du milieu et non pas
d’une fusion des roches qui la constituent.
On le voit, la frontière entre asthénosphère et lithosphère n’est pas une
limite géologique entre des terrains de compositions différentes. Il s’agit
d’une frontière physique, qui dépend essentiellement des conditions de
pression et de température du milieu, et que l’on situe d’ailleurs, on vient de
le voir, à des profondeurs assez différentes selon le paramètre que l’on considère
(température, vitesse de propagation des ondes sismiques, élasticité des
terrains). Dans le temps et dans l’espace, cette frontière peut donc se
déplacer si les conditions viennent à changer. Par exemple, une élévation
régionale de température sous l’effet d’une bouffée de chaleur issue des
profondeurs du globe (un «panache»: cf. chap. IV, § 4.2) a pour effet de
faire remonter la frontière lithosphère-asthénosphère vers la surface, c’est-àdire
d’amincir la lithosphère, quelle que soit sa définition. Inversement, un
refroidissement provoque une augmentation de l’épaisseur lithosphérique.
Dans ce livre, c’est la définition thermique de la lithosphère qui a été adoptée.
La limite avec l’asthénosphère, avons-nous dit, correspond alors approximativement
à l’isotherme 1 300 °C, située en moyenne vers 120 km de
profondeur sous un continent (fig. 1.3 A). Mais nous verrons par la suite
que l’épaisseur de la lithosphère thermique varie considérablement
(fig. 1.3 B), jusqu’à s’annuler à l’axe des dorsales océaniques ou dépasser
150 ou 200 km sous les vieux continents.
Source de l'article : INTRODUCTIONÀ LA GÉOLOGIE La dynamique de la Terre Gilbert Boillot Philippe Huchon Yves Lagabrielle Avec la collaboration de Jacques Boutler.
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